samedi 7 novembre 2009

« Désir et élévation » De Ibn ‘Arabi à la « Vita nova » de Dante




Mercredi 25 novembre 2009 de 18h à 19h30 :


Bibliothèque d’études italiennes et roumaines
Centre Bièvre


« Désir et élévation ». De Ibn ‘Arabi à la « Vita nova » de Dante
par le professeur Jean-Charles Vegliante et Abdelwahab Meddeb.
Lectures par Chantal Saragoni


Désir et élévation :

Lecture en arabe et en français de quelques pages de Tarjumân al-Ashwâq, “L'interprète des désirs” (1215) d'Ibn 'Arabî (1165-1240). Extraits du prologue ainsi que les cinq derniers vers du poème 11 et l'intégralité du poème 12 commenté par Ibn 'Arabî lui-même.
Lecture en italien et en français d’extraits du prosimètre Vita nova “La vie nouvelle” (1293) de Dante Alighieri, dans l’édition procurée par G. Gorni en 1996 et traduite par un groupe CIRCE (M. Marietti, C. Tullio Altan, J.Ch. Vegliante). Dialogue et comparaisons.

Ibn ‘Arabî (Murcie, 1165) et Dante Alighieri (Florence, 1265) construisent, à un siècle de distance, deux œuvres immenses par quoi ils s’élèvent et pensent nous élever au seuil de l’expérience divine, et poétiquement à une forme de paradis. Ils ne le tentent pas seuls, selon nos habitudes modernes, mais sous le coup d’une inspiration qui dépasse leurs personnes ; voire avec l’aide d’un dieu, “sur ordre” pour l’un, sous la “dictée d’Amour” pour l’autre. Les intermédiaires (ou truchements, tarjumân) pour cette élévation sont deux jeunes femmes, Nizhâm d'Ispahan et Béatrice la florentine, celle qui dispense l’harmonie et celle qui rend bienheureux… Il s’agit aussi, dans les deux cas, d’un dévoilement au delà des apparences terrestres – toutefois indispensables objets de transition – vers un Absolu de l’amour total.




Jean-Charles Vegliante poète-traducteur (prix SGDL 2008), enseigne les lettres italiennes à l’Université Paris III. Dernier livre paru Nel lutto della luce / Le deuil de lumière, avec G. Raboni (Einaudi, 2004).



Abdelwahab Meddeb écrivain, poète, grand lecteur des Soufis, universitaire (littérature comparée, Université Paris X). Dernier livre paru Pari de civilisation (Le Seuil, 2009).



Chantal Saragoni est engagée dans une lecture approfondie de l’œuvre dantesque (intégrale de la Divine Comédie au Festival d’Avignon 2008). Elle a interprété récemment des textes de Rosa Luxembourg et de Guy de Maupassant, ainsi que de nouveaux extraits de La Comédie.

Annexes et lectures:

1. Vita nova

I
l est, dans cette partie du livre de ma mémoire avant laquelle peu de chose pourrait se lire, un titre rouge qui dit : Incipit Vita Nova. Et sous ce titre rouge, je trouve écrits les mots que j’ai résolu de transcrire dans ce petit livre, sinon tous, du moins leur substance. [2] Neuf fois déjà depuis ma naissance le ciel de la lumière était revenu dans sa giration à un presque même point, quand apparut devant mes yeux pour la première fois la glorieuse dame de ma pensée, que bien des gens appelèrent Béatrice sans savoir la valeur de ce nom. [3] Elle était restée en cette vie aussi longtemps que le Ciel Étoilé met à se mouvoir vers l’orient de la douzième partie d’un degré, si bien qu’au début presque de sa neuvième année elle m’apparut, et je la vis presque à la fin de ma neuvième année. [4]
Elle apparut vêtue de couleur très noble, d’un rouge sang humble et honnête, avec la ceinture et les ornements qui convenaient à son très jeune âge. [5] En cet instant, je dis en vérité que l’esprit vital, qui demeure dans la très secrète chambre du cœur, commença de trembler si violemment que les pulsations s’en faisaient sentir terriblement dans mes plus petites veines et, tremblant, il dit ces mots : « Ecce Deus fortior me, qui veniens dominabitur michi! ». [6] En cet instant, l’esprit animal, qui demeure dans la haute chambre où tous les esprits sensitifs portent leurs perceptions, commença de s’émerveiller fort et, s’adressant spécialement aux esprits de la vue, dit ces mots : « Apparuit iam beatitudo vestra! ». [7] En cet instant, l’esprit naturel, qui demeure là où se répartit notre nourriture, commença à pleurer et, pleurant, dit ces mots : « Heu, miser, quia frequenter impeditus ero deinceps! ». [8] Dès lors, je dis qu’Amour domina mon âme, qui lui fut tout aussitôt épouse, et il commença à prendre sur moi, par la force que lui donnait mon imagination, une telle assurance et une telle domination qu’il me fallait obéir complètement à toutes ses volontés.


1 Voici un dieu plus puissant que moi, qui va venir me dominer.
2 C’est bien votre béatitude qui est apparue!
3 Hélas, malheureux, désormais je serai empêché fréquemment!

Traduction groupe CIRCE (Sorbonne Nouvelle)



Ibn Arabi séjourne à La Mekke deux ans, de 1202 à 1204, après avoir traversé rapidement l’Égypte et la Palestine, où il avait visité les sanctuaires de Jérusalem et d’Hébron. Il fut accueilli dans la capitale spirituelle de l’Islam par un vénérable shaykh iranien, qui se distinguait par la force de son esprit et la profondeur de sa science. Il fit aussi connaissance de la sœur de ce shaykh, également remarquable par sa piété et ses connaissances, et de sa fille, Nizam, qui avait reçu du Ciel le triple don de la beauté, de la connaissance et de la sagesse. C’est à la mémoire de Nizam qu’Ibn ‘Arabi composa son immortel dîwân , Tardjuman al-ashwaq (L’Interprète des ardents désirs ), qui compte parmi les chefs-d’œuvre, non seulement de la littérature du soufisme, mais de la poésie spirituelle de l’humanité.







Pr
ochaine lecture :

Mercredi 20 janvier 2010
de 18h à 19h30

A la Bibliothèque Universitaire de Paris III
(Salle des périodiques)


« Poésie des rues, poésie des bibliothèques : lecture de Ciaran Carson »
par le professeur Carle Bonafous-Murat