jeudi 10 novembre 2011

Kamel Malti : un génie exilé en son propre pays

Je ne peux m'empêcher de revenir sur la perte inestimable de mon maître Cheikh Kamel Malti que j'ai eu comme professeur à l'Université d'Alger puis comme collègue et enfin ami passionné de musique andalouse. Je lui ai rendu hommage à ma façon lors du Colloque organisé à Tlemcen en juin 2011, et je ne manquerai pas de revenir sur sa personnalité attachante et sur son génie si rare de nos jours.

Il m'a transmis sa passion de la poésie et de la musique andalouses
Il m'a appris la rigueur dans l'analyse des textes littéraires
Nous avons partagé de grands rêves sur la "résurrection" de la culture en Algérie
Il a soutenu et encouragé mes publications sur la poésie andalouse
Il est toujours vivant en moi comme en tous ceux qui l'ont connu de près ou de loin.


Photo: Avec Kamel Malti lors d'une viste à son modeste domicile de la Cité Sellier en 2005

Je voudrai aujourd'hui diffuser ce témoignage publié dans le quotidien Liberté le 09 – 04 – 2011

Dans la chronique de Abdelhakim Meziani que je salue fraternellement ici.

"Il est parti presque sur la pointe des pieds, dans une sorte d’indifférence assassine. Celle que savent réserver aux meilleurs enfants de ce pays des commis de l’idéologie dominante outrageusement incultes. Un système plus enclin à s’échiner à satisfaire les revendications les plus fantaisistes qu’à accorder une attention fondatrice à ceux qui apportent un plus à ce pays, sans rien demander en retour… Se suffisant d’une retraite des plus ridicules quand elle n’est pas réductrice. Kamel Mahieddine Malti est certes parti dans l’indifférence des clercs, comme ce fut le cas pour Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Mohammed Zinet, Abderrezak Fekhardji, Cheikh Redouane Bensari ou plus récemment encore Mohammed Arkoun. Mais la mémoire des justes saura rattraper ceux-là mêmes qui continuent à jouer indéfiniment de l’avenir d’un peuple dont certaines composantes semblent réduites à ne s’accrocher qu’à la démesure, à tout ce qui est éphémère, à un moment pourtant où la contradiction principale commande une prise en charge salutaire, où le pays a plus que besoin de mettre l’intelligence au pouvoir pour préserver son unité et sa souveraineté nationale insidieusement menacées qu’elles sont par une croisade qui ne dit pas son nom…

Photo. Malti: un homme d'une culture encyclopédique.

Kamel Mahieddine Malti laisse certes un vide incommensurable, mais il a eu le mérite de jeter les bases d’une réflexion salvatrice autour du patrimoine musical classique algérien qui lui tenait particulièrement à cœur, d’abord en tant que Tlemcénien d’origine et ensuite en tant qu’Algérois d’adoption. À une période où, livré à lui-même, le mouvement associatif donnait l’impression de se complaire dans une situation caractérisée le plus souvent par le volontarisme, le mimétisme, et le seul désir de paraître à l’occasion de soirées officielles où quelques fragments des siècles d’or de l’Andalousie sont outrageusement pervertis par d’écœurantes gloutonneries jouées le plus souvent en ut majeur. Agrégé de Lettres et de Latin, il était de toutes les luttes universitaires et culturelles, et parmi les fondateurs de l’Université algérienne dès les lendemains de l’Indépendance nationale. Que d’ingratitude vis-à-vis d’un intellectuel au sens organique du terme qui s’était le premier opposé à ce que ce sanctuaire du savoir et de la science soit profané par des forces extérieures, fussent-elles de l’ordre établi. Electron libre, s’il en est, il vivait exilé en son propre pays, préférant le repli tactique aux feux de la rampe, les joutes scientifiques aux raccourcis démagogiques induits le plus souvent par des projections populistes. Je me souviens d’une contribution qu’il avait dédiée à Saint Augustin, plus précisément à la traduction de ses Confessions, et où, avec la modestie que je lui connaissais, il avait paraphrasé Michel Leiris, préfaçant en 1947 le Baudelaire de Sartre pour souligner : “Si grande poésie il y a, il sera toujours juste d’interroger ceux qui voulaient en être les porte-parole et d’essayer de pénétrer au plus secret d’eux-mêmes afin de parvenir à se faire une idée plus nette de ce dont ils rêvaient en tant qu’hommes. Et de quel autre moyen, quand on cherche cela, que de les aborder sans transe ni balbutiement de religiosité (armé du maximum de rigueur logique) et d’en user, à la fois, eux (si jaloux qu’ils puissent être de leur singularité) comme s’ils étaient des prochains, avec qui l’on se tient de plain-pied ?” Il ne pouvait en être autrement pour celui qui fut, avec son ami Mustapha Bekhoucha, un des rares Algériens à avoir enseigné aux Lycées Henri IV et Louis le Grand à Paris. Inspecteur général de l’enseignement secondaire, il impressionnait beaucoup le personnel relevant de sa compétence tant par l’océan de savoir qu’il était que par sa modestie légendaire. Pour ceux qui ne le savent pas déjà et s’il est permis de paraphraser le musicologue Fayssal Benkalfat, il a joué un rôle fondamental dans la reconstitution du patrimoine musical classique du pays, principalement algérois et tlemcénien, et ce jusqu’à l’ultime khlass zidane dont il nous gratifia, à partir de Dijon où il fut hospitalisé grâce à la sollicitude de Mme la ministre de la Culture. Je me souviens de l’époque où nous étions tous deux à l’association El Fakhardjia où il fut mon seul soutien à un moment où j’avais décidé d’en découdre avec le localisme et le régionalisme donnant une dimension nationale à la réappropriation du patrimoine nous tenant à cœur et d’organiser des concerts de musique classique algérienne dans des quartiers populaires, bien loin des cercles fermés et de l’exclusion castratrice, voire pseudo-citadine…

A. M.mezianide@djaweb.dz

lundi 7 novembre 2011

A Child’s Garden of Verses




Wednesday 2nd of November, 18h-19h30 – Institut du monde anglophone

(poems are dealt with almost in the same order they appear in A Child’s Garden of Verses – “Where go the boats?” is the exception)

I. Introduction 18h00 JPN (with personal notes from

R.Dury and M.Fitzpatrick)

Projection of illustrations? (RD)

II. VI. “Rain” JPN on translation (esp. of short

poems, and their difficulty)

En(MF) – Fr(JPN) – It(RD)

18h15

III. VII. “Pirate Story” En(MF)–Fr(JPN) few words from JPN/RD on

IX. “Windy Nights” En(MF)-Fr(JPN) adventure novels, Treasure Island,

XVI. “The Land of Counterpane” RLS as bedridden adventurer …

En(MF)-Fr(JPN)

18h30

IV. XIV. “Where go the boats?” Discussion of accent. JPN in French,

RD in “RP”, MF in affected “Scottish”

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18h40

V. XXXI. “My Bed is a Boat” JPN on imagery/translation.

En(MF)-Fr(JPN)

VI. 2. VIII. “The Land of Story Books” RD on whatever he likes ….!

Fr(JPN)-En(RD) “Dramatic” reading.

VII. 3. V. “The Dumb Soldier” Intertexts – Rimbaud “Le dormeur du

En(MF)-Fr(JPN) val”, Nutcracker … and ?

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19h00

VIII. Envoys. IV. “To Minnie” Climax: trilingual reading, as

Part 1 - En(MF) Part 2 – Fr(JPN) proposed by RD.

Part 3 – It(RD) [if we have time, MF could read the whole poem in English first …]

IX. Envoy(-en-abîme). “To Any Reader” w/ “To the Hesitating Purchaser”, TI. En(MF)-Fr(JPN)

mardi 12 avril 2011

Fleurs et jardins dans la poésie andalouse

Mercredi 4 Mai, à 18h00, Centre Censier, 13 Rue Santeuil , Paris 5e

Salle des Périodiques


Cette nouvelle rencontre autour de la poésie arabo-andalouse chantée au Maghreb aura pour thème les fleurs et les jardins.




Les poètes andalous et maghrébins ont su nous révéler avec simplicité et délicatesse, une « réalité esthétique » particulière derrière l’apparence d’une rose ou d’un jasmin. Leur poésie se distingue par la place primordiale accordée aux jardins dans lesquels ils ont situé les scènes bachiques et amoureuses qui constituent leurs thèmes favoris.

Ces vers qui évoquent les merveilles de la nature, le printemps et ses fleurs sont l’occasion pour le poète de cour d’ éblouir l’assistance par un tableau printanier enchanteur qui faisait naître le plaisir dans l’âme des auditeurs. Les images dont se sert le poète ne sont jamais gratuites, elles sont souvent destinées à susciter la générosité du mécène et à le pousser aux plus larges gratifications.

Chaque poème est porteur, par ses images, d’un sens métaphorique ; il est à son tour porté par une mélodie que les amateurs de musique andalouse peuvent écouter et même chanter. Le lecteur/auditeur est convié à partager à la fois le plaisir des mots grâce à la fraîcheur des images et l’harmonie de l’atmosphère mais aussi le plaisir du cœur et de l’esprit au contact d'un univers d’amour et de beauté.

Les poètes andalous et leurs successeurs ont ainsi concentré dans le corps de la femme un univers miniature avec ses minéraux, végétaux et animaux. Ils y ont uni aussi les plaisirs du monde terrestre aux délices du Paradis promis aux bienheureux dans l’Au-delà.

Comme les bienheureux cités dans Le Coran, les amants évoqués dans cette poésie, trouvent dans les jardins toutes sortes de bienfaits. Ils s’adonnent à la boisson en compagnie d'agréables compagnons avec lesquels ils partagent des moments de plaisir.



Les fleurs, dans le jardin, exhalent leurs senteurs
À l’approche du jour,
Le jardin est un vrai parfumeur ;
Les oiseaux lancent leurs chants
Par-dessus les branches chargées de fruits
Et les rameaux laissent tomber leurs voiles.

Le rossignol, plein d’éloquence,
Mêle son chant haut et clair
Au son des cordes et aux refrains des chansons !
Douce est la lumière du matin,
Alors que les norias tournent en chantant
Et que, dans les canaux, l’eau coule effrontément!
Regarde les branches danser
Chaque fois que la brise passe,
Tout ici n’est que charme et beauté.
Lève-toi et admire le jardin pendant que les oiseaux chantent à tue–tête.
L’eau, comme un serpent, s’échappe des bassins
Et luit parmi les plantes tel un sabre étincelant.

Lève-toi commensal, debout ! Regarde l’aube qui point !
Vois comme le vin inonde les coupes qui jettent leur éclat !
Réveille celui qui dort, tire-le de son sommeil !
Réveille aussi la belle,
Splendide comme le rayon du jour
Étoile du matin et front de lumière !
Écoute le chant du rossignol
auquel répond l’ortolan
Et remplis la coupe de cristal !


Saadane Benbabaali

jeudi 9 décembre 2010

Browning et Swinburne : deux géants de la poésie victorienne,

le 15 décembre 2010
18H30

Robert Browning et A.C. Swinburne

bilingue-12.jpg
Présentation : Marc Porée
Lecture : Kevin Halloran

Browning et Swinburne : deux géants de la poésie victorienne, dans des styles diamétralement opposés. Mais deux monstres de foire, aussi, plutôt que deux vaches sacrées, caricaturés autant qu'idolâtrés - souvenir d'un temps où la poésie faisait et défaisait les réputations. Le second fut traîné dans la boue, en raison de l'odeur de souffre et de scandale qui l'entourait, avant sa retraite studieuse et assagie (en apparence, du moins). Emergeant de l'ombre dans laquelle le tenait le succès d'Elizabeth Barrett, son épouse, le premier troqua l'obscurité de l'artiste incompris pour l'auréole de la gloire, après le succès phénoménal remporté par The Ring and the Book, livre-monde autant que livre-monstre.
Au lendemain de la réédition, au Bruit du Temps, de L'Anneau et le Livre, dans une traduction de Georges Connes et de la célébration du centenaire de la mort du très francophile et francophone A.C. Swinburne, disciple de Baudelaire, admirateur de Victor Hugo et ami de Mallarmé, il nous a paru opportun de revenir sur les raisons d'un retour en grâce contrasté, en donnant à entendre leur très rugueuse ou très ineffable énergie verbale.



Lieu(x) :
Institut du Monde Anglophone
Salle 16, Entrée libre

mardi 23 novembre 2010

« RONDE DE LA POÉSIE DE LANGUE PORTUGAISE – RODA DE POESIA »




Salle des périodiques – Bibliothèque de Censier. Mercredi 17 novembre à 18h :

« RONDE DE LA POÉSIE DE LANGUE PORTUGAISE – RODA DE POESIA »

organisée par le département d’Etudes Lusophones de Paris 3, collègues et étudiants
appuyés par les lectorats et Voix Lusophones, l’association des étudiants de portugais de
Paris 3.


Pessoa ? Oui, bien sûr ! Mais les autres ? Pour que la multitude des hétéronyme pessoens ne cache pas le foisonnement de la poésie contemporaine en langue portugaise, nous croiserons voix et lectures, rendant compte d’une parole échangée, en écho, opposée au gré des aléas de l’histoire. Entre les différentes aires culturelles concernées par la lusophonie, Portugal, Brésil, Afrique, Asie, etc, nous activerons cet échange. Nous serons aidés en cela par la mémoire de notre regretté collègue Michel Laban, africaniste internationalement reconnu, à qui nous rendrons hommage au cœur de la séance par des lectures de poèmes africains qu’il aimait et des passages de ses traductions. Prendront part notamment à cet hommage les étudiants de Licence
3 participant à l’atelier Théâtre et Langue sous la houlette de Daniel Rodrigues, les professeurs Jacqueline Penjon, Catherine Dumas, Agnès Levécot, et d’anciens élèves et amis de Michel.

vendredi 1 octobre 2010

Recueil Enfants d'Italiens



Première manifestation "Vers d'autres voix", autour du recueil Enfants d'Italiens, quelle(s) langue(s) parlez-vous ?

Avec: I. Felici, Ch. Saragoni, D. Valin, J. Ch. Vegliante.

Le Mercredi 20 Octobre 2010 à 18h 30.
Bibliothèque d'Italien et Roumain, 1 rue Censier, 5ème étage.

Enfants d’Italiens…


Avant les blacks, avant les beurs, avant les portos, il y a eu ces Italiens que l'on ne remarquait qu'à peine (mais déjà trop pour une certaine droite bien assise), que l'on n'appelait pas encore - plutôt sympathiquement - "ritals" ; dont la culture (un terme que personne n'utilisait pour ça, à l'époque) aurait fait penser peut-être à celle des romanichels, toujours là où on ne les attendait pas, bref aux Roms d'aujourd'hui dans l’imaginaire collectif... À l'opposé de celle des Français dits "moyens", foncièrement sédentaires.


Ils étaient à la fois transparents, surtout après que l'entrée en guerre de leur pays en 1915 (mieux vaut tard que jamais) les eut lavés de certaines taches - comme celle d'avoir une cuisine "nauséabonde", mais oui, et de refuser de se battre pour rien -, et quand même trop quelque chose, inévitablement : trop bruyants, trop excités, trop rouges, fauteurs de grèves, trop cathos (ou Christos), trop effacés et donc sournois, trop entreprenants avec les femmes françaises, etc. - d'ailleurs polygames clandestins, chuchotaient les "braves gens" plaisantés par Brassens... Et, pour l'avoir fait une fois (le 10 juin 1940), encore et en douce toujours susceptibles de vous planter un coup de poignard dans le dos.

Tout cela remonte loin, on a le droit d'oublier : si loin que personne, à l'époque, ne s'intéressait à ce genre de question. Transparents et indifférents, invisibles, peu à peu "intégrés" au reste (ils disaient "otorizzati" pour naturalisés), et plutôt bien. Rideau. Qu'est-ce qu'ils ont dû souffrir, ces "macaronis" et "italboches" primo-migrants, ces "ours", pour que leurs descendants aujourd'hui soient parfois devenus les plus xénophobes d'Europe ! Un drôle de travail de deuil, ou peut-être son refus obstiné. Notre ambition, dans une structure universitaire qui a été la première à remuer ces cendres-là, serait que cette soirée, faite de témoignages et d'expressions "populaires" (autant que dire se peut, à l'ère du numérique médiatique), chantées en particulier, serve au moins à rendre ce travail un peu plus réfléchi, et pacifié. Selon la formule immortelle de Coluche, "Vous êtes beurre, moi plutôt fromage, mais quand même tendance parmesan"...